dimanche 27 août 2023

Les citoyens sous la surface

    Si l'écrasante majorité des espèces conscientes et civilisées du Monde Connu ont colonisé sa surface, qu'il s'agisse du Grand Continent ou des myriades d'îles plus ou moins grandes qui parsèment le globe, il ne faut pas oublier que le gros de la biomasse se terre loin des yeux de surfaciens.


    Sous la surface écumeuse des éternelles étendues salines, les bancs de poissons s'adonnent au grand jeu de la vie depuis la Nuit de la Création face à des prédateurs qui, à leur tour, tentent d'échapper chaque jour à des créatures toujours plus dangereuses et mystérieuses vivant dans d'autres zones océaniques. La Pyramide Alimentaire aquatique a toujours été chaotique, et même dans les ténèbres des zones hadopélagiques, des influences malsaines font vibrer les écailles et les branchies. Généralement pour le pire.


    Malgré tout, les habitants de la surface ont conscience d'une chose: l'Eau foisonnera toujours de vie. Elle en est la mère, le berceau, et le plus violent de tous les bourreaux.


    Grâce aux expéditions maritimes de L'Amour de l'Impératrice, sous l'Ordre de Sainte Tania et la Protection de l'Imperator, le Saint-Empire a énormément peaufiné ses propres connaissances sur les habitants des profondeurs. Et bien sûr, il a tiré des abysses des choses qui n'auraient jamais dû voir la Lumière de Sol.



Les grands communs:


    Ces poissons et animaux marins figurent parmi les plus pêchés, et la plupart étaient déjà bien connus des continentaux avant leurs premières expansions maritimes. A cela s'ajoutent les très récents poissons abyssaux, qui ne purent être remontés et étudiés que par les outillages sophistiqués de l'Amour de l'Impératrice.


    Le Maquereau Commun : ''Pêché depuis la nuit des temps. Il n'a guère plus de valeur, aujourd'hui, plus de mystère. Mais il est le plus grand de tous les combattants, éloignant chaque jour le plus puissant de tous les ennemis: la faim.''

Bien que le maquereau soit techniquement un poisson de haute-mer, son territoire s'est étendu jusqu'aux côtes bien avant l'Avènement, ce qui en fait encore aujourd'hui le poisson le plus pêché de tout le Saint-Empire. A la ligne ou au chalut, il compose généralement la base de l'alimentation des régions côtières. Ni savoureux, ni bien rapide, il est cependant particulièrement prolifique et aisé à conserver (notamment grâce aux techniques salines, les villages de pêcheurs n'ayant pas accès au Champs de Stase), assurant une abondance sûre de nourriture.



    Le Saumon à Bouche Noire : ''L'Impératrice Constance adorait ce poisson. Servi cru et accompagné de feuilles de roquettes et de quelques baies rouges, il calmait les ardeurs volcaniques de Sa Très Haute Majesté. Ses lèvres sont dégueulasses, par contre''


La famille des salmonidés est déjà assez spéciale, puisque ses membres sont des habitants océaniques, donc des eaux salines, mais qui remontent les fleuves et les rivières du Grand Continent pour aller pondre avant de mourir et nourrir les animaux, monstres et habitants proches desdites rivières. Le Saumon à Bouche Noire, lui, a la fâcheuse habitude de se complaire dans les eaux usées des grandes cités habitées, remontant les canaux avec férocité pour pondre leurs oeufs directement sous les cascades des égouts, ce qui en fait un saumon très commun aux alentours des Villes-Forges (alors que leurs eaux deviennent rapidement stériles). Particulièrement goûteux cependant, leur valeur se chargea de réguler la population, les pêcheurs les tirant de leurs filets avant qu'ils ne pondent. L'espèce est aujourd'hui en voie d'extinction, ce qui fait encore plus grimper sa valeur, et incite encore davantage à la pêche. Ironique.
 


    Le Mérou Réciféen : ''Paraît qu'ils n'existaient pas, il y a encore quelques siècles. Apparemment, c'est les pouvoirs de terraformation de la Comtesse qui ont modifié les fonds marins, et que donc, les mérous, ils se sont adaptés en devenant aussi colorés que les récifs de coraux. J'sais pas si c'est une bonne chose, mais en tout cas, ça fait grimper le désir de l'Administration!''


Les écailles colorées des mérous réciféens sont uniques en leur genre, puisqu'elles trahissent du désir d'adaptation de ces poissons envers un milieux qui n'était, jusqu'à récemment, pas le leur. En l'espace de seulement quelques décennies, cette espèce de serranidae a colonisé une grande partie de ce milieux coloré et bio-luminescent. En effet, après la Grande Terraformation d'Abhora, seuls quelques poissons de petites tailles et mollusques vinrent s'installer dans les magnifiques barrières de coraux des eaux régionales, ce qui en fit un buffet à volonté pour ces mérous qui s'adaptèrent afin de se confondre dans les récifs, et approcher leurs proies furtivement. Comme beaucoup de mérous, les Réciféens sont des hermaphrodites successifs: tous les individus sont, de base, des femelles et ne deviennent mâles que lorsque la situation l'exigera.


    Le Coelacanthe : ''J'en ai vu, des choses étranges, quand je suis allé dans cette foutue jungle remplie de lézards bipèdes aussi gros que des golems. Mais j'ai jamais eu autant l'impression de plonger dans le passé que quand on a pêché ce poiscaille. Je suis sûr que ses petits yeux noirs me regardaient sans me voir.''


Longtemps cru disparu, le Coelacanthe a fait son retour dans les archives impériales lorsque l'Amour de l'Impératrice fit une halte au large de Teotiqua. En réalité, ce poisson préhistorique avait bel et bien disparu, notamment à cause de la perte de son environnement naturel suite à la Fin du Premier Monde, mais revint à la vie grâce au désir de Xochiquetzal, qui en offrit des oeufs à Teotiqua. Ce poisson aux allures antiques est désormais pêché avec parcimonie par les Koeputecs, car sa population est toujours menacée, mais il est perçu comme une grande source de sagesse parmi les saurens, notamment à cause de sa nage lente et de ses mouvements gracieux. Sa taille, la nature de ses écailles, sa forme et le nombre de ses nageoires en fait un véritable chaînon manquant pour les érudits impériaux, qui ne parviennent pas à identifier sa famille ou quelques cousins que ce soit.



Les dangereux géants:


    Les profondeurs du monde marin forment de parfaits terrains de jeu pour le Créateur, les règles physiques n'étant pas les mêmes qu'à l'air libre. Le gigantisme est monnaie courante, sous la surface. Des millions d'années de lutte acharnée pour la survie permirent de créer parmi les plus grands prédateurs du Monde Connu.. Le plus grand de tous étant, de toute façon, une créature marine qui n'a pas sa place dans cette liste.


    Le Mégalodon : ''Quand j'ai vu son aileron percer les vagues au loin, j'ai rien dit. Je crois que j'avais peur que si je gueulais son nom, la bête allait nous attaquer. Ce qu'était très con, parce que si elle était là, c'est qu'elle savait très bien que nous aussi, on l'était. Quand le requin a sorti sa gueule de l'eau pour éventrer la coque du bateau, broyant Gabi sous un seul de ses crocs, et que j'ai regardé dans l'un de ses yeux.. J'me suis réellement demandé si le Créateur nous aimait vraiment''



Contrairement aux vieilles croyances du Saint-Empire qui furent récemment remises à jour, ce squale titanesque n'est pas l'ancêtre des requins actuels, mais un cousin proche. Personne n'a besoin de présenter la terreur de la Haute-Mer: un requin d'une taille pouvant atteindre les dix-huit mètres de longs et un poids de plusieurs dizaines de tonnes. En revanche, peu parlent de leurs quatre yeux parfaitement adaptés à la traque en profondeur, de leurs interminables rangées de dents longues comme des épées ou des centaines de cicatrices qui parcourent leurs corps, comme autant de souvenir des combats brutaux des profondeurs. Les Mégalodons sont extrêmement fiers et territoriaux, n'hésitant pas à s'attaquer à quoi que ce soit s'approchant assez près pour être détectés par leurs Ampoules de Lorrenzinis. Hydrodynamiques, endurants, extrêmement agressifs et absolument titanesques, les Mégalodons sont, encore aujourd'hui, la terreur de tout marin prenant le large. En revanche, la chasse, l'élimination et la conservation d'une telle créature est une garantie d'honneur éternel. Mais qui serait assez fou pour se lancer dans une telle quête?


    Le Serpent de Roche : ''Vous avez déjà vu un rocher-cyclope ramper entre les falaises avec assez de force pour faire trembler les côte? J'étais aux premières loges quand le grand serpent est sorti de l'eau, au dessus de Port-Liberté. On aurait dit, avec sa gueule garnie de crocs, qu'il nous souriait, comme s'il nous défiait, nous demandait de nous défendre
. On a rien pu faire quand il ravageait le port. Et quand il eut finit de bouffer, il est retourné se loger dans les falaises. J'étais gamin, à l'époque, et on l'a jamais revu, mais je refoutrai plus jamais le pied dans une ville côtière.''


Quand on pense ''gigantisme marin'', l'on imagine bien souvent les grandes profondeurs, les zones hadales et abyssales, voire plus bas encore. Le Serpent de Roche est la preuve malheureusement bien vivante que les géants marins ne se trouvent pas uniquement dans les grandes profondeurs ou loin des côtes. Ce titanesque squamate carnivore niche en effet dans les grottes géantes qui parsèment certaines falaises calcaires de l'Ouest du Continent, ou proche du Toit du Monde. Capable de rester parfaitement immobiles pendant des années sans se nourrir en conservant son énergie avec une efficacité jalousée, le Serpent de Roche est un chasseur qui ne sort de sa cachette que de très rares fois dans une décennie, mais a la mauvaise habitude à provoquer un véritable carnage dans la faune locale quand il se décide à se nourrir. Ondulant entre les eaux salées des falaises, il dévore poissons, requins, déchets, roches, navires, pêcheurs sans discrimination, et, de manière assez terrifiante, semble particulièrement féru de destruction. Le Serpent de Roche n'hésite pas à sortir des profondeurs, son unique oeil rouge plongeant les villages de pêcheur dans un cauchemar éveillé, tandis que son corps rocailleux ravagent les habitations des locaux. Le Saint-Empire a classé le Serpent de Roche dans la case ''Menace Alpha'', et l'apparition d'un seul de ces béhémoths justifie la mobilisation des armées d'un Duché pour son élimination systématique. La Bête fait également partie des créatures sentientes parmi les plus dangereuses du monde, chaque génération apprenant de la précédente.



Les aberrations:


L'Ultimatecte a crée le Monde d'une manière, et pas d'une autre. Selon Son dessein, la vie doit évoluer lentement, avec le temps, en suivant un schéma défini qui avantagera certaines espèces au détriment d'une autre. Mais l'Ultimatecte n'est pas seul: la Mère Grise à sa droite, et le Souriant à sa gauche. Même les profondeurs ne sont pas épargnés par l'influence des Trois, et leurs plus grands vassaux peuvent ressentir que, sous les flots, certaines créatures sont plus proches d'eux que certains membres de leurs propres espèces.


Mais au fond, cela importe peu. Ces choses ne devraient pas être, et pourtant, elles sont.



    Le Maquereau Visionnaire : ''La myriade d'yeux du poisson vous regarde encore, alors même que la bête a fini de se tortiller depuis bien longtemps. Elle siphonne l'énergie de ce corps comme elle l'a toujours fait."


Le corps du maquereau frétille entre vos doigts, alors que ses yeux sombres semblent vous demander ''Pourquoi?'' Vous ressentez une certaine peine envers ce pauvre être, mais mettre fin à ses souffrances vous remonte le moral.


    

    La Baudroie Combattante : ''La baudroie n'est déjà pas un beau poisson, mais ce spécimen est encore pire. Lorsque vous lui tirez la langue, c'est pour apercevoir que celle-ci possède sa propre bouche, dont les crocs claquent encore.''


Les abysses subissent les conséquences de sa propre brutalité. Ses habitants mutent pour survivre de la pire des manières. Heureusement, pêcher ce spécimen l'évitera peut-être de proliférer. Malgré cela, vous ressentez une faim lancinante, à regarder ce monstre bâti uniquement pour satisfaire la sienne.




    La Balise de la Mer Sacrée : ''Même dans les profondeurs, le Créateur prend soin de ses enfants. Les Eaux de la Mer Sacrée permettent la naissance de bien belles choses. Le calmar brille dans votre filet, et ne semble pas se débattre. Restant bien vivant, il vous regarde, et ne vous en veut pas pour son destin. Son heure était venue."


Les eaux de la Mer Sacrée bordent Evendor, et subissent son influence divine depuis plus d'un millénaire. Les Humains ne sont pas les seuls sujets des bénédictions du Père de Tout. Vous regardez ce magnifique spécimen de calmar, et sa mort vous attriste. Mais n'ayez crainte: d'une manière ou d'une autre, il veillera sur vous. Ce qui, étrangement, alimente lesdites craintes.


   

    Le Mérou Ramené : "Ce n'est pas très étonnant que la nécromancie ramène à la vie les créatures aquatiques. De toute manière, c'est tout ce que peut espérer la vie dans les eaux du Nord: rien ne reste mort très longtemps. Vous regardez le poisson tenter de vous mordre les doigts, secoué de spasme et traversé d'éclair malsain, mais vous ne vous demandez pas pourquoi vous pêchez dans ces eaux. Il faudrait peut-être revoir vos priorités."



La nécromancie s'est infusée jusque dans les eaux. Le Berceau de la Vie est aussi son Lit de Mort. Ce qui a le ventre en l'air finira invariablement par le retourner. Privé de douleur. Privé d'instinct de survie. Seul persiste la haine de ce qui respire. Rejetez-le à l'eau, et partez.